Les arbres poussent en moyenne 50 % plus vite qu’au début du XXème siècles. Parallèlement, la densité du bois est en recul. Le Nancéien Jean-Daniel Bontemps, chercheur à AgroParisTech, tente de comprendre ce grand mikado écologique qui se joue en silence dans nos forêts.
Les arbres poussent beaucoup plus vite aujourd’hui qu’hier. Ce phénomène constaté dans le massif des Vosges par Michel Becker, au milieu des années 1980, et rejeté par la communauté scientifique de l’époque, a depuis été largement confirmé un peu partout sur la planète. On sait désormais que la croissance des arbres est en moyenne 50 % plus rapide que ce qu’elle était il y a un siècle, et que ce changement est intervenu pour l’essentiel au cours des trente dernières années. Les premiers résultat ont été obtenus grâce à des carottages, pratiqués en grand nombre sur plusieurs essences. L’évolution des cernes des arbres a permis d’identifier une forte croissance radiale. L’analyse des tiges a également montré une nette croissance en hauteur des peuplements. « Des analyses rétrospectives qui ont été deux générations d’une même essence d’arbres sur un même site », explique Jean-Daniel Bontemps, enseignant chercheur à AgoParisTech à Nancy. Cette accélération de croissance est toutefois très variable en fonction du climat, de la nature du sol et des essences.
« La variation peut aller de 1 à 5. Elle est plus forte dans l’est que dans l’ouest de la France. Mais aussi dans le temps : depuis une quinzaine d’années la croissance du hêtre a tendance à se stabiliser, alors que le chêne, espèce plus sensible à la chaleur, continue de croître fortement. De même, elle est plus forte en montagne qu’en plaine. Dans les Hautes-Vosges, il est des secteurs où la hausse de croissance des épicéas se situe plutôt entre 150 et 200 % au cours du siècles écoulé », indique Jean-Daniel Bontemps, lequel a travaillé sur une quinzaine de forêts de l’est, des Vosges du nord et Jura en passant par la forêt de Haye et celle d’Epinal.
Ces évolutions considérables de l’écosystème forestier trouvent plusieurs explications. Le réchauffement tout d’abord, qui est clairement identifié comme un accélérateur de croissance. En 30 ans, la saison de végétation s’est étendue de deux à trois semaines dans l’est de la France. La hausse moyenne des températures annuelles constatée sur l’ensemble des stations agit directement sur la photosynthèses et le métabolisme des végétaux. De plus, l’accroissement du taux de CO2 dans l’atmosphère, et l’apport d’azote véhiculé par la pollution, constituent des facteurs fertilisants largement reconnus.
Du fait de sa position géographique (au cœur du plus important bassin industriel d’Europe de l’ouest), et du niveau élevé des précipitations, l’est de la France fait partie des secteurs en France où les dépôts d’azote atteignent des seuils significatifs (entre 10 et 20 kg par hectares et par an contre 5 à 7 kg dans l’ouest de la France). Enfin, les scientifiques considèrent que l’évolution de la sylviculture a également joué un rôle non négligeable. Les coupes plus fréquentes, visant à obtenir des peuplements de plus faible densité, le choix plus raisonné des graines employées lors des reboisement, ont très certainement contribué aussi aux explosions de productivité constatées en forêt.
Par Jean-Marc TOUSSAINT