Responsabilités et ambitions pour la forêt privée
Les propriétaires forestiers sont les héritiers d’un bien qui les dépasse par sa longévité et par le rôle qu’il joue dans une société de plus en plus urbanisée. Ce bien implique des responsabilités d’un point de vue économique et environnemental.
Face à ce constat, dans un contexte où le discours «écolo» se fait toujours plus pressant, l’objectif du syndicalisme est clair : donner d’une part aux propriétaires les moyens d’assumer leurs responsabilités et de concrétiser leurs ambitions pour la forêt et, d’autre part, apporter à nos concitoyens les éléments de lecture de ce monde dont ils se sont éloignés.
« Propriétaires d’un bien extraordinaire»
Être propriétaire forestier, c’est contribuer au bien commun de façon plus ou moins consciente – et plus ou moins active. Car, loin de se limiter à dessiner la beauté de nos paysages, la forêt rend des services à la fois économiques, sociaux et environnementaux essentiels à la société. Elle alimente une filière pourvoyeuse d’environ 400 000 emplois, offre un milieu naturel recherché par une population de plus en plus urbaine, mais, surtout, capte du CO2, filtre l’eau, ou encore abrite une biodiversité foisonnante. Pour Gérard Gautier, président du syndicat Fransylva Bouches-du-Rhône, «les propriétaires forestiers doivent avoir conscience qu’ils sont propriétaires d’un bien extraordinaire, qui demande un engagement de tous les instants». Cet engagement, Daniel Duyck, président de Fransylva Calvados-Manche, le voit comme une ouverture et le dépassement d’une certaine tendance à l’individualisme: «En reconnaissant qu’ils peuvent améliorer et renouveler le patrimoine vivant dont ils ont hérité, les propriétaires forestiers agissent dans leur intérêt, mais aussi pour l’intérêt général.»
L’urgence à se transformer
Les défis énergétiques de notre époque et la réalité du changement climatique rendent aussi urgente la nécessité de transformer le regard des propriétaires forestiers sur leur bien, et de les aider à s’engager, le cas échéant, dans des actions soutenues par Fransylva. Car, côté grand public, nombreux sont ceux qui voudraient faire de la dossier a indispensable modernisation forêt un sanctuaire intouchable, la vouant par là même à un vieillissement contreproductif à tous points de vue. Face à cette mouvance «protectionniste», érigeant la biodiversité comme une valeur absolue, le rôle des propriétaires forestiers et de leurs représentants syndicaux est capital. Pour Daniel Duyck, ce rôle exige une forme de transparence de la part des propriétaires, qui doivent prouver leur compétence et leur volonté d’agir en respectant le bien dont ils sont responsables. «Les syndicats doivent incarner l’ensemble des propriétaires engagés pour l’avenir de la forêt», souligne-t-il.
Des associations aux syndicats
Sans chercher à se justifier et tout en restant décisionnaires sur leur terrain, les propriétaires forestiers pourraient (ou devraient) aussi faire preuve d’une plus grande pédagogie autour des actions qu’ils engagent. Une telle attitude est aujourd’hui nécessaire dans une société marquée par l’éloignement – la méfiance? – sans cesse plus grand entre citadins et ruraux. Il s’agit non seulement de rappeler au grand public les services environnementaux d’une forêt bien gérée, mais de prouver qu’une forêt vivante est une forêt économiquement rentable. D’un point de vue social, la question doit être aussi portée au niveau des syndicats, comme le soutient Gérard Gautier. Président de Forestour de 1995 à 2005, celui-ci connaît la puissance des associations en termes de développement de la forêt. Grâce à l’association Forestour, qui a fini par compter jusqu’à 40 membres coachés par un ingénieur du CRPF, de nombreux projets ont vu le jour : pêche à la ligne, centre équestre, champignons, ball-trap, chasse, gîtes ruraux, animation culturelle en forêt, projets pédagogiques utiles pour des générations de citadins… Mais «il faut que la notion de fonction sociale de la forêt soit gérée et assumée par le syndicalisme, souligne Gérard Gautier, afin de mener une réflexion plus générale sur les limites à la permissivité et de promouvoir, également, une compensation pour services rendus par la forêt». Le président de Fransylva Bouches du-Rhône a ainsi travaillé avec Jean-Louis Bianco sur la notion de «conventionnement», afin de permettre à des propriétaires souhaitant ouvrir leur forêt à la collectivité de bénéficier d’une rémunération autorisant la prise en charge d’une assurance, de l’aménagement et du gardiennage.
Du terrain aux centres de décision : une dynamique efficace
L’engagement des syndicats au service des propriétaires forestiers est donc à la fois bénéfique en termes d’information et de formation des adhérents, mais aussi de représentation auprès de la société civile. Daniel Duyck insiste sur ce point : «La forêt est une composante du territoire à prendre en compte dans les plans locaux d’urbanisme. Elle doit être représentée aux assemblées au même titre que les agriculteurs, ou encore les chasseurs.» Un simple exemple, le président de Fransylva Calvados-Manche a lui-même choisi d’inclure deux administrateurs de la Fédération de la chasse au conseil d’administration de son syndicat, et les forestiers sont aussi présents dans les assemblées de chasseurs – «Cela améliore sérieusement les échanges!» conclut-il. Plus généralement, les présidents de syndicats interrogés insistent sur l’importance de partir de la réalité du terrain pour convaincre. Les leviers d’action en faveur de la forêt sont nombreux au niveau national, voire européen, mais ils n’obtiendront jamais gain de cause s’ils ne sont pas motivés et illustrés par des exemples concrets menés localement. C’est pourquoi Fransylva s’attache à recréer ce lien entre les différents niveaux de décision: du très local jusqu’à l’international au service de la représentation de la forêt privée.
– © Forêts de France